Le sexe fait vendre !

Publié le par Goji

L'enfer de la bibliothèque, à la Bibliothèque François Mitterand (Métro 14 - Bibliothèque) jusqu'au 22 Mars

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Derrière ce titre racoleur se cache mon commentaire de l’exposition  « L’enfer de la bibliothèque » (que je n’ai malheureusement pu voir en entier par manque de temps). Remarquablement médiatisée, les divers articles, affiches et émissions télévisée ont attisées mon esprit pervers ­- celui qui sommeille dans le ça (ou le surmoi, je ne sais plus) d’après Tonton Freud -. Ce qui revenait souvent dans les médias, étaient cette notion de phantasme par rapport au lieu de conservation des ouvrages. Mais évidemment, le fait de tirer le contenu de l’enfer de son lieu habituel de stockage (la section des livres rares de la BNF) nuit terriblement à cette optique.

Sur le plan artistique, à défaut d’être purement contemplative (sauf pour certains, je n’en doute pas), l’exposition se veut plutôt  informative et piquante. J’étais accompagné d’une jeune et prude étudiante en métiers du livre que je nommerais « ma chère et tendre ». Etant un profane en matière de système de côtes de bibliothèques et autres normes Z44-050, je lui laissais le loisir de s’émerveiller sur les magnifiques ouvrages reliés de cuir, tandis qu’elle m’expliquait que les fonds de bibliothèque étaient autrefois référencés sur des cartes à jouer, mais que, comme chacun avait son idée sur le système de classement, jusqu’à tout récemment, c’était le bordel. Bref, le principal intérêt de l’exposition est, d’après mon humble avis, de rappeler à notre bon souvenir que la censure veille et que les livres d’histoires que l’on nous a donné dans les écoles sont aussi édulcorés qu’un des dessins animés d’une multinationale aux grandes oreilles dont nous tairons le nom. Outre le fait de nous rappeler que le métier de courtisane n’était pas que simplement faire acte de présence, on peut y découvrir l’annuaire des filles de joies de Paris, la liste des prêtres surpris dans les bordels (avec la paroisse à laquelle le prêtre appartient, l’adresse dudit bordel, le nom de la prostituée en présence et les pratiques précises auxquelles ils s’adonnaient), de nombreux pamphlets et gravures érotiques.

L’organisation de l’exposition est intéressante, tant la thématique est omniprésente. Les lumières sont plus ou moins tamisées, sans pour autant rendre la lecture difficile, l’on baigne dans le rouge velours et le rose (quelques meubles gris viennent cependant gâcher rarement cet ensemble). Sur certains murs figurent des gravures reproduites comme un papier peint, ou des textes (comme le fameux annuaire des filles de joies de Paris). La multiplicité des formats (livre, manuscrits, imprimés, gravures, dessins, films) est bien pris en compte et classifiée, sans pourtant qu’on sente une trop grande rupture. La partie centrale rassemble, sur un mobilier arrondi, ou plutôt courbe, ce qui concerne l’enfer de manière « administrative » (les cartes de références de la côte, le registre, etc.). Disséminés dans l’espace, des cônes d’écoute roses à l’apparence utérine permettent d’écouter des poèmes coquins en toute discrétion. Ce qui participe à un effet sympathique : la finesse des gravures, leur petite taille (et aussi la curiosité toute voyeuse qu’elle peut-être) nous forcent toujours à nous pencher pour regarder de plus près, tout en s’efforçant de garder une apparence distinguée, créant souvent une scène assez drôle.

 J’arrive maintenant à la partie réellement intéressante concernant le contenu de l’exposition. Des nombreux ouvrages censurés présents, si certains ne sont pas surprenant (comme pour les manuscrits du Marquis de Sades et Baudelaire), d’autres ont pour auteur Apollinaire, Prévert, Cocteau, Bataille, Genet ou Musset. Je soulèverais la question suivante : de nombreux auteurs, mais aussi artistes, sont extrêmement connus – je citerais Picasso, encore une fois Cocteau, Man Ray, Dali – mais leurs œuvre un tant soit peu « pornographiques » ont vite fais d’êtres oubliées, quelles que soit leur qualité. A croire que seuls Courbet et Magritte aient échappés à la censure, bien tard soit dit en passant pour l’un, et par l’étrange ambigüité par l’autre. Les œuvres happées par la censure ressortent peu à peu, dans la presse spécialisée, mais toujours dans des sujets directement liés au sexe. L’art contemporain semble totalement débridé sur la question, il en va de même pour la littérature, ce qui nous conduit à nous étonner naïvement lorsqu’on découvre ses œuvres, comme lorsque l’on parcourt l’exposition. Comment devons nous réagir face à ses choses qui ressurgissent ? Le « patrimoine » doit-il être redéfini ? Peut-on le redéfinir encore et encore en fonction de chaque tendance ? Doit-on continuer de cacher ce que « Madame n’aurait pas cru » ?

                Quoi qu’il en soit, j’y retournerais, pour la voir jusqu’au bout cette fois.

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